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Lait : les échanges internationaux se sont tassés en 2023

En 2023 la production laitière mondiale s’est accrue de manière modérée, avec une hausse de 1,3 % par rapport à 2022, soit plus douze millions de tonnes. Photo : A. Legendre
En 2023 la production laitière mondiale s’est accrue de manière modérée, avec une hausse de 1,3 % par rapport à 2022, soit plus douze millions de tonnes. Photo : A. Legendre

Le 11 juin dernier l’Institut de l’Élevage organisait une journée pour faire le point sur les marchés mondiaux du lait et de la viande en 2023. Focus sur le marché du lait.

«En 2023, le commerce international s’est replié, de 1,2 % en volume, 5 % en valeur, par rapport à 2022, alors que le Pib à l’échelle mondiale a augmenté de 2,7 %. Cette décorrélation est assez rare», a introduit Boris Duflot, directeur du département économie de l’Institut de l’Élevage lors de la journée marchés mondiaux du lait et de la viande, le 11 juin dernier.

Toutefois, les volumes échangés restent supérieurs à la période pré-covid. On observe une augmentation de 6,3 % entre 2019 et 2023. En valeur, l’augmentation est même de 25 % par rapport à 2019, conséquence de l’inflation. Le commerce des produits agricoles suit la même trajectoire que le reste des marchandises. Entre 2019 et 2023, on observe une augmentation de 32 % du commerce des produits agricoles en valeur. En revanche, entre 2022 et 2023, ces échanges se sont repliés de 2 % en valeur, effet cumulé de la diminution des volumes échangés et de la baisse des prix engagée sur 2023, après leur flambée entre 2020 et 2022.

L’Asie, moteur de la croissance

En ce qui concerne les produits laitiers, en 2023, la production laitière mondiale s’est accrue de manière modérée, avec une hausse de 1,3  % par rapport à 2022, soit plus douze millions de tonnes. «C’est l’Asie qui assure l’essentiel de cette croissance, dix millions de tonnes. Elle a, en effet, lieu au plus près des besoins de consommation, et de la demande solvable», a indiqué Gérard You, agroéconomiste à l’Idéle. Ainsi, l’Inde, premier producteur de lait au niveau mondial voit encore sa production s’accroitre de cinq millions de tonnes entre 2022 et 2023, soit une augmentation de 2,5 %.

La production chinoise demeure également très dynamique, avec une croissance de 7,1 %. En effet, la Chine souhaite assurer sa sécurité alimentaire et développer ses productions. Ainsi, en plus de la croissance de la production laitière dans le pays, on observe un tassement de ses importations. Le développement de la production laitière chinoise passe par celui de fermes de grande taille, détenues par quelques entreprises seulement. Des subventions sont, en effet, accordées à ces structures. «De 2020 à 2022, la Chine a construit ou prévu de construire 562 nouvelles exploitations laitières, avec une capacité de plus de 3,77 millions de têtes, dont 70 % sont des fermes de plus de 10.000 têtes. En 2023, la Chine comptait 164 nouveaux projets de fermes impliquant 980.000 têtes, dont près de 70% sont des fermes de plus de 10.000 têtes», a expliqué Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste au Cniel.

Les fromages toujours en tête

Toutefois, la bonne dynamique chinoise en matière de collecte laitière s’est heurtée ces deux dernières années à une consommation en berne. «La situation économique du pays est préoccupante, le chômage des jeunes était de plus de 20  % en juin 2023 et depuis, le gouvernement chinois a arrêté de partager les chiffres de cet indicateur, détaille l’agroéconomiste. La population se tourne davantage vers des produits de première nécessité : la farine, le riz, les huiles et les légumes». Le prix moyen, la fréquence d’achat, et le taux de pénétration des produits laitiers ont tous diminué. Les ventes de lait liquide et yaourts à température ambiante résistent mieux (- 0,4 %) que celles des produits laitiers réfrigérés (- 6 %). Ainsi, malgré une croissance dynamique de la production laitière, plus de 60  % des exploitations ont perdu de l’argent en 2023. Certains projets de nouvelles fermes ont été retardés ou annulés.

Au contraire de l’Asie, dans les six principaux bassins exportateurs, la Biélorussie, l’Argentine, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et l’Union européenne, la collecte annuelle a été quasiment stable par rapport à 2022. En effet, si au premier semestre elle avait continué à augmenter, sous l’effet de prix élevés, le recul de ces prix au deuxième semestre 2023, partout sauf en France, a entrainé une diminution de la collecte. Le commerce international également s’est tassé en 2023, avec une baisse de 0,8  % par rapport à 2022 en volume. La diminution est encore plus marquée en valeur, avec -  9  % par rapport à 2022. Cette chute s’explique par la baisse des prix des commodités laitières, le beurre, les poudre de lait, dont les cours avaient été particulièrement élevés en 2022.

Les produits les plus échangés sur le marché mondial sont les fromages, avec 3,56 Mt en 2023, et une croissance de 1,4  % par rapport à 2022. Cette progression est constante depuis plusieurs années. À noter, la deuxième place dans les échanges de la poudre de lait réengraissée grâce à des matières grasses végétales, qui est passée devant les poudres grasses en termes de volumes échangés depuis plusieurs années. Enfin, les échanges de laits infantiles reculent de 12 %.

Matières premières : perspectives 2024

Au premier semestre 2024, le marché des matières premières reste assez chahuté. En effet, les conflit armés ainsi que la météo pèsent sur le commerce et les cours. Par exemple, la Russie représente, à elle seule, 25 % des exports de blé dans le monde. Le pays a subi une vague de gelée ce printemps, qui a affolé les marchés et fait bondir les cours. Ils sont dorénavant revenus à des niveaux normaux. Autre exemple, le coût du fret, élevé et volatile. En effet, outre les cours de l’énergie qui restent hauts, le transport maritime subit les conséquences de deux phénomènes : une limitation du trafic sur le canal de Panama pour cause de sécheresse, et un détour par le cap de Bonne espérance pour éviter le canal de Suez, à cause du conflit israélo-palestinien. «Cela entraine un allongement des temps de trajet, des coûts d’assurance en hausse, mais aussi une tension sur les conteneurs et donc une hausse des tarifs du transport maritime», a expliqué Virginie Hervé-Quartier, agroéconomiste pour l’Institut de l’Élevage.

En 2024, la récolte de maïs au niveau mondial devrait être de bon niveau, malgré une diminution des surfaces aux Etats-Unis, et des attaques de cicadelles en Argentine. Idem pour le soja, avec une croissance de production de l’ordre de 6 %, grâce notamment à une hausse des assolements aux États-Unis et au Brésil. En revanche, pour le colza, la situation est plus compliquée, due à une météo peu favorable en Europe, avec des excès d’eau et un manque d’ensoleillement, et un temps trop sec en Australie.