Pour tendre vers le cercle vertueux de la bioéconomie, la société a besoin de ressources technologies et de changer ses comportements. L’agriculture et la forêt peuvent être d’un apport conséquent, à condition qu’on leur en donne les moyens.
La Vigie de l’eau, association régionale de culture scientifique, d’éducation à l’environnement et au développement rural, organisait le samedi 27 mars, un webinaire autour de la « bioéconomie ». C’est l’économie de la photosynthèse et du vivant qui s’appuie sur la production et la valorisation de biomasse, permise par le solaire « abondant, renouvelable et gratuit ».
Dix ans de retard
A la Cité des paysages de Sion, trois experts étaient réunis autour de la table. Yves Le Roux, enseignant-chercheur à l’Ensaia, relève d’entrée que « les ressources végétales, qu’elles soient agricoles, aquatiques ou forestières ne sont pas suffisantes pour se substituer à l’énergie carbonée » actuellement utilisée. Pour progresser, le recours à la technologie s’impose. Il faut aussi modifier les comportements de consommation, vers plus de sobriété. Il y a urgence, les transitions énergétiques se construisent à trente ans. « Nous avons déjà dix ans de retard », déplore le chercheur.
Franck-Dominique Vivien, économiste, chercheur à l’université de Reims, pose la question des arbitrages et de la manière dont ils s’opèrent. Il observe que, sur le long terme, « il n’y a pas de substitution, mais toujours de nouvelles énergies qui viennent compléter les autres ». Il doute qu’à l’avenir un changement intervienne.
Meriem Fournier, chercheuse et présidente du centre Inrae du Grand Est à Nancy, rappelle la notion « très ancienne de la multifonctionnalité de la forêt. La chimie du pétrole est née de la chimie du bois ». Elle indique que la production de bois consomme moins d’énergie que celle de l’aluminium et du plastique, avant de plaider pour l’utilisation du bois local. « En Scandinavie et en Amérique du Nord, le bois devient une ressource pour le plastique, de nombreuses marques s’y mettent ».
La transition énergétique nécessite des directives politiques fortes. « Dites-nous ce que nous devons produire durablement, en intégrant la rémunération des producteurs », réclame Yves Le Roux. « Il faut mettre les industriels dans la boucle pour influer dans les choix de filières des grands groupes », suggère Franck-Dominique Vivien, en remarquant que les grandes entreprises « ne font pas trop de cas des consommateurs ».
La question du paiement des services environnementaux
Pour illustrer les initiatives qui se prennent dans les territoires, la Vigie de l’eau avait appel au témoignage de Stéphane Peultier. Installé en 1996 à Pierreville, en élevage allaitant Salers-céréales, le futur président de l’Apal, décide rapidement d’arrêter le labour. Il se situe quelque part entre l’agriculture de conservation, le semis direct et les techniques culturales simplifiées. Pour lui « le sol est la plus grande richesse, empruntée aux générations futures. C’est pourquoi il faut s’en occuper ». Son exigence est la couverture systématique des terres par des mélanges (méteils) dès la récolte enlevée. Il considère avoir triplé la matière organique de ses parcelles.
L’exploitation s’est diversifiée assez tôt dans le photovoltaïque (1.800 m² de panneaux sur toiture en 2000) avant d’implanter une « petite méthanisation, en voie sèche ». Au 1.400 t d’effluents d’élevage viennent se mêler les 600 t de tontes de pelouse collectées par la communauté de communes. Ces deux installations concourent à « l’autonomie électrique » du village de Pierreville qui compte trois cents habitants, considère Stéphane Peultier. L’animateur de la conférence pose à ce stade la question du paiement des services environnementaux rendus par l’agriculture, sujet encore en gestation mais qui connait un début de réalisation dans certaines petites régions.