Début avril s’est déroulé, à Nancy et Épinal, la treizième édition du forum international bois construction. Un des sujets marquant a été la place du bois dans la décarbonation de l’économie.
Tous sont convaincus, élus comme professionnels de la filière : le bois peut jouer un rôle dans l’objectif de décarbonation de la France, à savoir réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.
La forêt remplit, en effet, plusieurs objectifs : elle rend des services écosystémiques, produit des biomatériaux et des bioénergies et peut servir de puits de carbone. Toutefois, les forêts sont menacées par le changement climatique, entrainant une moindre croissance et une mortalité accrue des arbres. Ainsi, le puit de carbone forestier a été divisé par deux entre 2010 et 2020. On peut alors se demander quel sera l’état de ce puits de carbone en 2030, considérant toujours les impacts du changement climatique, mais également une hausse des prélèvements. En effet, les objectifs liés à la stratégie bas carbone française prévoient une augmentation de la production de bois énergie de 22 TWh d’ici à 2030, ainsi qu’une hausse de six millions de mètres cube de bois à longue durée de vie.
Vérifier la cohérence entre production et consommation
«L’ambition est de stabiliser la dégradation du puits de carbone d’ici à 2030», explique Frédérik Jobert, directeur de programme au secrétariat général à la planification écologique. Cela passera par des opérations de plantation, mais surtout par un rééquilibrage des usages entre matériau et énergie. En effet, lorsque le bois sert dans la construction, ou à fabriquer des objets de longue durée de vie, le carbone reste stocké de manière prolongée dans les produits finis, ce qui n’est pas le cas lors d’une utilisation en bois énergie.
Le bois énergie pose une autre question : celui de l’approvisionnement. En effet, les importations de bois énergie ont fortement augmenté ces trois dernières années. Au-delà de la hausse du déficit commercial de la filière bois, ces importations posent également question quant au bilan carbone de cette énergie, une fois rendue au client final. Frédérik Jobert estime qu’il faudra vérifier que la consommation de bois énergie soit cohérente avec la capacité de la filière à extraire des ressources renouvelables, mais également et surtout à valoriser les coproduits des autres maillons de la filière bois. Pour l’instant, la production d’énergie possible, en recensant toutes ces ressources, serait de 145 TWh en 2030, alors que la consommation prévisionnelle serait de 157 TWh. «Il manque 30 à 40 millions de tonnes par an, nous devons encore trouver des solutions pour régler le problème», indique-t-il.
Pour aider à trouver ces solutions, une étude de grande envergure a été réalisée à l’aide du cabinet Carbone 4. Elle a dressé un panorama de la filière forêt et bois en 2019, définit des scénarios d’offre et de demande dans les années à venir, et a travaillé sur les possibilités de bouclage entre l’offre et la demande. Pour réussir à atteindre cet équilibre entre offre et demande, le cabinet Carbone 4 liste trois objectifs :
- Augmenter la récolte tout en accompagnant la transformation de la forêt, pour limiter le risque de déstockage massif de carbone.
- Flécher plus de bois récolté vers des produits à longue durée de vie.
- Augmenter le potentiel de réemploi et de recyclage, en innovant dans le tri et en améliorant l’usage des bois recyclés.
Bois versus béton
Et s’il est intéressant de flécher plus de bois récolté vers des produits à longue durée de vie, ce n’est pas uniquement pour augmenter le puits de carbone. En effet, le bois se substituant à d’autres matériaux engendre une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Selon le cabinet carbone 4, «construire en bois plutôt qu’en béton permet de diminuer jusqu’à 60 % l’empreinte carbone du gros œuvre. Cela correspond à un gain de 30 % sur les émissions liées à la construction traditionnelle».
Un triplement de la construction bois d’ici à 2030, alimenté avec 100 % de bois français, permettrait un gain de 3,1 millions de tonnes de CO2 par an, la création de 3.400 emplois net et un gain de 170 millions d’euros par an sur la balance commerciale de la filière. Encore faut-il que toute la filière, et jusqu’aux entreprises du bâtiment, s’engagent dans cette transition, qui n’est pas sans poser quelques questions. «Il faut une solidarité entre tous les maillons la chaine, et cela passe par la demande des charpentiers, des constructeurs, estime Jean-Marie Servant, président de France bois forêt. Il sera nécessaire à l’avenir d’accepter plus d’essences, d’apprendre à travailler avec du bois scolyté». De plus, «il faut que cela soit plus facile de construire en bois, ajoute Dominique Cottineau, délégué général de l’Uicb, l’union des industriels et constructeurs bois. Pour l’instant, nous avons des injonctions contradictoires quant au cadre réglementaire».