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Marché de la viande bovine, "retour en force de la RHD"

Romain Hannetel, vice-président d’Interbev, invitait les participants à la table ronde, à un focus sur la place de la Rhd dans les changements structurels des modes de consommation. Photo : P.Divoux
Romain Hannetel, vice-président d’Interbev, invitait les participants à la table ronde, à un focus sur la place de la Rhd dans les changements structurels des modes de consommation. Photo : P.Divoux

«Consommation de viande bovine : focus sur la RHD », tel était le thème de la conférence organisée par Interbev Grand Est, à l'occasion d'Agrimax. Après le Covid, et alors que les habitudes alimentaires évoluent, le marché de la viande bovine marque «un retour en force de la RHD»

Derrière le slogan mis en avant par l’interprofession viande bovine du Grand Est, «Aimez la viande et ceux qui la font», il existe bien le risque d’une vaine incantation. Et de ce point de vue, les chiffres sont têtus. En France, le potentiel de production s’effondre quand bien même le niveau de la consommation en viande bovine résiste. Les Français aiment la viande bovine, certes, mais où s’arrêtera l’hémorragie du nombre de vaches nécessaires afin d’assurer demain cette production ?

Pour répondre à cette question, l’interprofession avait choisi le prisme d’un marché en pleine évolution, la Restauration hors domicile (RHD). Pour poser le décor, Romain Hannetel, polyculteur-éleveur dans la Marne, et vice-président d’Interbev s’est associé l’expertise de Matthieu Repplinger, chef de projet chez Interbev.

Le constat présenté par l’expert est sans appel, «entre 23 et 26 % de la viande bovine consommée en France sont issues de l’importation depuis début 2022, contre 21 % historiquement». La tendance inquiète tout autant que le niveau de ces flux, puisque la dépendance aux approvisionnements extérieurs s’aggrave. Ainsi, la viande importée viendrait compenser le recul des abattages de vaches françaises. Une étude de l’Institut de l’Élevage a modélisé l’évolution de la taille de notre cheptel national. «Sur la base du rythme actuel de décapitalisation, le nombre de vaches pourrait passer de 7,17 millions en 2022 à 5,23 millions en 2035», rapporte Matthieu Repplinger. Une véritable saignée à hauteur de 27 % du cheptel français de vaches, soit «une perte de production de l’ordre de 30 %», selon l’expert qui pronostique, «une production française diminuant plus vite que la consommation, si la décapitalisation se poursuit».

Une consommation quasi stable

Dans ce contexte de décapitalisation, la consommation tient, malgré l’inflation et ses conséquences sur le pouvoir d’achat des ménages. Et si au premier semestre 2023, elle baisse de 1 %, en 2022, la consommation globale de viande bovine a augmenté de 1 % par rapport à 2021. Statistiques à l’appui, l’interprofession dressait le constat «sur le long terme», «d’une consommation quasi stable».

En toile de fond de cette relative stabilité, Matthieu Repplinger a montré «les changements structurels des modes de consommation», avec en premier lieu, «des achats à domicile en recul». «Les gens ne cuisinent plus chez eux», c’est un fait. De façon générale, «les produits frais traditionnels sont victimes de l’inflation et des changements d’habitudes alimentaires», constate l’expert. Cette évolution a fait la part belle à la RHD. Après le Covid, le marché de la viande bovine marque «un retour en force de la RHD» avec un chiffre d’affaires progressant plus vite que les prix. Ce sont donc bien les volumes qui tirent le marché constate Interbev.

Une évolution contrastée

PassionFroid Est, une filiale du groupe Pomona, et Compass Group France, filiale du leader mondial de la restauration sous contrats, invités à débattre sur l’évolution de la consommation de viande, livraient l’analyse d’une évolution plus contrastée. Pour les deux acteurs, la période post Covid en Rhd se caractérise par une diminution des grammages des portions et une réduction de la fréquence de certaines protéines. Dans le contexte inflationniste, ils constatent un report des achats et plus globalement des difficultés pour répercuter les hausses de prix de leurs fournisseurs.

Même ajustement dans la restauration traditionnelle représentée par Alain Fontaine, président de l’association française des Maîtres Restaurateurs. Fidèle aux valeurs de son réseau, il rapporte avoir maintenu le choix du label rouge, mais avec des portions dans l’assiette passées de 300 à 200 grammes.