« Usine à gaz ou opportunité ? ». En organisant une table ronde d’experts et de praticiens, Jeunes agriculteurs 54 a posé la question de l’opportunité de la valorisation du carbone en agriculture. Si la rentabilité de potentiels investissements n’est pas avérée, des effets induits bénéfiques peuvent en résulter. C’est aussi anticiper sur un avenir réglementaire qui pourrait se durcir.
« Le carbone en agriculture » était le thème retenu par JA 54 pour son rapport d’orientation, traité à l’occasion d’une table ronde animée par Paul Talotte, le premier vice-président. Lequel a introduit le sujet en livrant quelques grandes masses pour fixer le contexte : « le carbone pèse 880 milliards de t dans l’atmosphère et 2.500 milliards de t sous terre. Les émissions annuelles, à l’échelle de la planète, s’élèvent à 40 milliards de t». Le jeune agriculteur rappelle qu’un arbre a besoin de 10 à 15 ans, avant de commencer à stocker du carbone. Pour espérer toucher des revenus dus à la vente de crédit carbone, il faut patienter trois ou quatre ans. Deux types de marchés sont accessibles : volontaire ou réglementé.
Le chemin vertueux
L’enjeu pour tous les secteurs d’activités est de réduire ou d’éviter des émissions supplémentaires. L’agriculture est largement concernée, à travers les trois gaz à effet de serre qu’elle rejette : le gaz carbonique, le méthane et le protoxyde d’azote, par ordre croissant de pouvoir de réchauffement, détaille Arnaud Jouart, conseiller agro pédologie et carbone, à la Chambre régionale d’agriculture. La profession est engagée dans le programme Air-Climat-Sol-Energie (ACSE).
En système céréalier, les « leviers d’action » sont multiples. Arnaud Jouart rappelle qu’un kg d’azote correspond à 12,6 kg équivalents CO2 et un litre de fioul à 25 kg équivalents CO2. Le chemin vertueux passe par la diminution d’azote minéral apporté dans le système, en augmentant les apports organiques. L’utilisation d’inhibiteurs de nitrification retarde le processus de transformation de l’ammonium en nitrates. L’efficacité de l’apport peut être renforcée par la réduction de la volatilisation et la restitution des résidus de culture. L’intégration de légumineuses dans la rotation permet de stocker du carbone dans les sols. Autre piste de progrès, les économies en carburant et la plantation de haies.
Dans le domaine de l’élevage, Samuel Bonnet, technicien carbone-élevage à l’Apal, explique la méthodologie du diagnostic réalisé à partir de l’outil Cap’2er. L’objectif est d’obtenir une évaluation fine de l’empreinte environnementale, d’identifier les marges de progrès et de construire un plan d’actions. Sur un exploitation de polyculture-élevage, les deux principaux postes émetteurs de carbone sont la fermentation entérique animale (56 %) et la gestion des effluents (23 %). C’est donc bien sûr la conduite du troupeau que se situe le potentiel d’amélioration le plus important.
Nouvelle gestion du troupeau
Arnaud Jouart chiffre à 73,4 €/ha le coût moyen des projets carbone, à la lumière des douze exploitations étudiées. Le retour pour chaque agriculteur se situe dans une fourchette de 30 à 35 €/ha. « Il ne compense pas forcément la transition technique, mais il faut prendre en compte les co-bénéfices potentiels dans un contexte d’évolution climatique et l’effet levier d’accompagnement, poursuit le conseiller spécialisé. Et des primes filières peuvent compléter le dispositif » .