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Estelle, «une vie sur le fil»

Estelle André a repris l’élevage Limousin, au décès brutal de son mari. Elle milite au sein de l’association « Le jour d’après » qui apporte soutien aux victimes de deuil. Photo : D.R.
Estelle André a repris l’élevage Limousin, au décès brutal de son mari. Elle milite au sein de l’association « Le jour d’après » qui apporte soutien aux victimes de deuil. Photo : D.R.

Le journaliste Olivier Delacroix s’est intéressé aux difficultés ressenties par le monde agricole, avant même que n’éclate la crise portée au grand jour ces derniers mois. Le prochain documentaire «Dans les yeux d’Olivier» sera diffusé le mercredi 10 avril, à 22h45 sur France 2 ; il sera également accessible en rediffusion sur France.tv. L’émission sera titrée « Agriculteurs : des vies sur le fil ».

Olivier Delacroix a recueilli des témoignages intimes qui montrent l’engagement d’hommes et de femmes, capables de surmonter une montagne de difficultés pour pérenniser un métier.

Parmi  ces témoins, Estelle, une meurthe-et-mosellane qui a perdu son mari Jean-Paul, décédé au volant de son tracteur, victime d’un accident le 14 août 2019. Mère de trois enfants mineurs à l’époque, Estelle André, fonctionnaire à la Direction départementale des territoires, volet « urbanisme », n’est pas du tout impliquée sur la ferme. Installé à Reillon dans le Blâmontois, Jean-Paul « a passé sa vie à monter un troupeau de vaches allaitantes Limousines en agriculture biologique ». Le choix de reprendre la ferme, Estelle l’a prit très rapidement, il fallait assumer la continuité.

Jean-Paul travaillait en individuel, aidé par un apprenti. Ne disposant pas de la capacité professionnelle, mais compte tenu de la situation, elle bénéficie d’une autorisation préfectorale pour s’installer. «J’ai foncé, confie-t-elle. J’ai eu beaucoup de chance, des amis, parfois très éloignés m’ont prodigué de bons conseils ». L’éleveuse de Limousines salue le soutien du Service départemental de remplacement qui lui permet de passer un cap, en mettant en place un collaborateur « qui connait le métier » ; avec l’appui de l’apprenti. De fil en aiguille, Estelle a embauché, dans un premier temps, un jeune agriculteur. La bonne entente débouche sur un projet d’association avec ce salarié qui se concrétisera le 1er janvier 2023 par la création de la SCEA « la Bonne Etoile ». L’association Solidarité Paysans Lorraine lui a apporté son aide.

Développement de la vente directe

Une bonne cinquantaine de broutards sont produits à l’année. Et Estelle développe la vente directe de caissettes de viande sous sa marque propre « Ferme la Bonne Etoile ». D’abord accessibles en retrait sur l’exploitation, mais avec un double projet de commercialisation groupée à des comités d’entreprises ; et même de livraisons à domicile sur toute la France. Une diversification encore balbutiante mais appelée à monter en puissance.

Contactée pour participer à l’émission, « [son] profil cadrait », elle avoue avoir ressenti «une grosse appréhension ». Mais tout s’est finalement bien passé. Le tournage a duré deux jours, à la veille de Pâques… 2023, essentiellement sur la ferme. Estelle a apprécié pouvoir parler de son engagement au sein de l’association « Le jour d’après » qui apporte son soutien aux personnes ayant vécu un deuil. Elle n’a pas encore vu les vingt minutes qui lui seront consacrées des quatre-vingt dix de l’émission. Mais elle est sereine. L’approche d’Olivier Delacroix est empreinte d’humanisme. Le journaliste livre quatre autres vécus pour illustrer cette agriculture « sur le fil ». Régis producteur de lait qui trouve le salut au contact d’une coop de consommateurs qui rémunère le lait au juste prix. Floriane et Brice qui vendent en directe, à partir de leur ferme périurbaine. Cathy qui a dû faire front après que son mari, éleveur, a mis fin à ses jours. Enfin, Guillaume Canet, l’acteur engagé auprès d’associations d’entraide aux agriculteurs.