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Les défis du monde coopératif 

« Le consommateur est-il prêt à payer, face au grand nombre d’attentes sociétales… parfois contradictoires ?» Photo : JL.Masson
« Le consommateur est-il prêt à payer, face au grand nombre d’attentes sociétales… parfois contradictoires ?» Photo : JL.Masson

Axel Retali, expert agri-agro  de Crédit Agricole SA, décrit le contexte inflationniste, auquel doivent faire face les coopératives. Pour rattraper leur désavantage compétitif par rapport à leurs concurrents à statut privé, il préconise une maîtrise des charges sur les exploitations et un renforcement de l’attractivité des produits français, à l’export. 

Les représentants des coopératives agricoles du Grand Est, réunies en assemblée générale le 5 octobre à Metz, ont suivi l’analyse d’Axel Retali, responsable de l’expertise agri-agro au sein de Crédit Agricole SA. L’intervenant a brossé un panorama des filières agricoles dans un contexte inflationniste, avec des besoins en fonds de roulement croissants, marqué par la volatilité des cours et rempli d’incertitudes.  

Perte de marchés toutes filières 

Le prix du lait a atteint des niveaux record en 2021-22, mais la France a pris du retard face au frein des distributeurs. Alors que la production du blé est en recul en Europe et en Ukraine, la Russie devient incontournable, avec une production 2022 estimée à 97 Mt, dont 40 Mt exportables. Les prix du blé et du maïs se situent aussi à un niveau très haut. Au fil de l’exposé, la problématique de volume transparaît. « La France subit une perte de parts de marché toutes filières confondues », indique l’orateur, s’appuyant sur l’exemple de la volaille. En vingt ans, la part du poulet importé dans la consommation française est passée de 35 % à 49,6 %.

Autre phénomène observé, la décapitalisation du cheptel bovin contraint les abatteurs à changer leur « matière », confrontés à un problème de volume. Les départs en élevage sont sous-estimés, or « tout est remplacé par des exportations. Sur le plan du bilan carbone, cela n’a plus de sens. Il faut communiquer collectivement là-dessus ». 

L’expert agri-agro livre le constat de l’écart de compétitivité entre coopératives et entreprises non coopératives, en particulier à l’international. « Le paradoxe est que la taille ne permet pas aux plus grandes d’améliorer leur rentabilité, avec le problème des volumes à valoriser. Les polyvalentes ont du mal à être efficaces sur tous leurs métiers ». 

Axel Retali estime que tant l’amont que l’aval sont particulièrement touchés par l’inflation.

Retrouver de l’efficacité 

Lorsqu’il se projette à moyen et long termes, Axel Retali s’interroge sur la « schizophrénie du consommateur. Est-il prêt à payer, face au grand nombre d’attentes sociétales, environnementales, de filières… parfois contradictoires ?». Le sujet du renouvellement des générations reste extrêmement prégnant, dans toutes les branches, mais particulièrement en élevage bovin. 

Dans sa conclusion, le spécialiste de la banque verte croit au potentiel « énorme » des coopératives agricoles. « Le paradoxe est l’actuelle perte de parts de marché. Il faut retrouver de l’efficacité ». Il voit une lueur d’espoir dans le rapport sénatorial publié le 28 septembre. Ce document bat en brèche la stratégie unique de la montée en gamme,  face aux déboires français sur les marchés internationaux. Il décrit un risque d’affaiblissement du potentiel productif de l’Hexagone, au détriment de sa souveraineté alimentaire ; doublé du danger de réserver l’alimentation française à ceux qui en ont le moyen. Le rapport préconise une politique de maîtrise des charges des agriculteurs, tout en « dopant » l’attractivité des produits français dans le reste du monde.