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La sobriété foncière en question

Vincent Bertrand, docteur en géographie et Anne Blanchart, docteure en urbanisme et science des sols anthropisés. Photo : JL.Masson
Vincent Bertrand, docteur en géographie et Anne Blanchart, docteure en urbanisme et science des sols anthropisés. Photo : JL.Masson

Regards croisés de deux chercheurs universitaires experts, sur la sobriété foncière en milieu urbain et la nécessaire préservation de la qualité des sols. A l’heure où se profile la « zéro artificialisation nette », à l’horizon 2050.

La révision du schéma de cohérence territoriale (SCOT) Sud 54 mobilise les élus des collectivités. Le Syndicat mixte de la Multipole Nancy Sud Lorraine organisait une conférence, le 14 mars à Nancy, sur l’importance de concilier sol et foncier, en matière d’urbanisme, sous la houlette de son président, Denis Vallance. Cette soirée a permis de poser le regard croisé de deux chercheurs et de battre en brèche quelques idées reçues.

« Projet de territoire durable »

Vincent Bertrand, géographe, maître de conférences à l’Université de Lorraine s’interroge sur le modèle sociétal et territorial du XXe siècle « Home sweet home ». Ce qu’il traduit par « Foyer, doux foyer », se trouve, selon lui, « aujourd’hui en cours de déconstruction ». Le noyau familial, l’habitat pavillonnaire, la voiture individuelle et la parcellisation des espaces ont favorisé l’étalement urbain. La conséquence, sur le moyen terme, se traduit par une artificialisation importante des sols. Il a fallu construire des lotissements, des zones d’aménagement et des infrastructures de transport collectif. Au préjudice des espaces naturels, dans lesquels l’agriculture et les forêts occupaient une place de choix. 

Vincent Bertrand argumente en faveur d’un « projet de territoire durable » qui protège ses sols et préserve le foncier. Le géographe défend des circuits courts, basés sur une production alimentaire locale et diversifiée, de qualité sanitaire et permettant une autonomie à l’échelle du territoire. « Ce projet prend toute sa place autour des villes, en recréant une ceinture nourricière ». L’intervenant prend garde de préciser que les conditions actuelles de l’exercice du métier d’agriculteur ne vont pas vraiment dans ce sens. « Il faut redonner aux exploitants le moyen de regagner leur vie et en aucun cas les incriminer d’avoir répondu à la demande de produire toujours plus, pour moins cher».

Optimisation des usages fonciers

En août 2021, la loi « Climat et résilience » a imposé la « zéro artificialisation nette » à l’horizon 2050. Avec une montée en puissance progressive. D’abord une diminution de moitié de la consommation de surfaces naturelles, agricoles et forestières sur la période 2021-2031, par rapport à ce qui s’est pratiqué entre 2011 et 2021. Ensuite, l’équilibre entre hectares artificialisés et désartificialisés en 2050.

Cette sobriété foncière requise repose sur un comportement collectif, en faveur de l’optimisation des usages du foncier. Vincent Bertrand détaille : « préserver les fonctions écologiques, hydriques et climatiques des sols, en intensifiant les infrastructures existantes, en évitant la monoactivité d’une parcelle et en minimisant l’imperméabilisation ». Un certain nombre de règles s’imposent : le respect des trames de différentes couleurs dans la garantie des qualité des paysages urbains ; l’intensification des usages ; privilégier le renouvellement à la construction neuve, en lutant contre les vacances de logements, commerces ou autres bâtiments. L’enseignant liste les effets positifs induits par cette sobriété foncière : des transports collectifs performés ; le commerce de proximité encouragé ; la marche à pied bénéfique à la santé, favorisée ; la protection des sols et la préservation notamment des surfaces agricoles…

Renaturation des sols

Anne Blanchart, docteure en urbanisme et sciences des sols « anthropisés », complète l’analyse par une approche scientifique du sol. « Une succession de différentes couches, plus ou moins organisées, répondant à des fonctions indispensables à la survie des écosystèmes et donc de l’espèce humaine ». La chercheuse considère que l’on manque de données en milieu urbain. Elle enjoint toutefois « à savoir anticiper », en militant pour la création de bases de données, à enrichir progressivement, ainsi que pour une aide à la décision sur l’affectation future des sols.