Les enjeux syndicaux à court terme se situent dans l’infléchissement de la PAC 2023. La FRSEA Grand Est s’emploie à en atténuer les incidences. Les perspectives à moyen terme s’inscrivent dans la valorisation énergétique de la bioressource qui ne doit pas échapper à l’agriculture. Illustration au travers du projet de bioraffinerie développé par un consortium, dans lequel la profession est actrice.
Une année au cours de laquelle le syndicalisme aura dû faire preuve de méthode pour rester mobilisé, en dépit des contraintes sanitaires. 2021, pour la FRSEA Grand Est, aura été singulièrement marquée par les débats âpres autour de la définition du plan stratégique national (PSN), dans le cadre de la préparation de la PAC post 2023. Le point d’orgue pour le syndicalisme régional se sera probablement situé à Strasbourg le 30 avril. Une manifestation a vu converger près de 1.500 tracteurs vers la capitale alsacienne, ville européenne s’il en est, face aux enjeux de la réforme et notamment la perspective de mise en œuvre des éco-régimes. Cet élan protestataire a permis une rencontre, le mai, avec Julien Denormandie, alors locataire du ministère de l’Agriculture.
Un dossier qui n’était pas encore entièrement tranché, à l’heure de la tenue de l’assemblée générale de la FRSEA, le 24 juin à Laxou. Tant le président Hervé Lapie, que le secrétaire général, Philippe Clément, et aussi le trésorier, Franck Sander, ont fait référence aux ultimes tractations encore en cours. Une des pierres d’achoppement était la diversification et la rotation des cultures, pour la fameuse BCAE 7 (bonne condition agricole et environnementale). Les zones intermédiaires sont particulièrement pénalisées pour cette mesure.
Croissance durable, respectueuse de la planète
Le plat de résistance de cette matinée a été la présentation du projet de bio économie monté par un consortium composé de Terrasolis, des Chambres d’agriculture, de commerce et d’industrie du Grand Est et du Grand Reims, avec des partenaires de l’entreprise et de la recherche et le soutien de collectivités. « Tout secteur d’activité est concerné par la neutralité carbone d’ici 2050 », entame Maximin Charpentier, le président de la Chambre d’agriculture régionale (CRAGE).
Le changement climatique, la flambée de l’énergie et la remise en cause des modèles qui en résulte, la forte dépendance des systèmes agricoles, autant d’éléments qui poussent à agir. La recherche-développement, poussée depuis cinq ans, présente des résultats encourageants en termes d’autonomie azotée, de bas carbone, de capacité des sols, pour Yann Dacquay, le directeur de la CRAGE, qui apprécie l’outil « exceptionnel » de Terrasolis. Maximin Charpentier veut faire partager l’idée « que l’agriculture contient en elle-même une ressource précieuse, dont la valeur va s’accroître dans une économie décarbonée ». Son argumentation repose sur la nécessité que cette « valeur ajoutée ne soit pas captée par d’autres ».
Bioraffinerie territoriale
Un consensus anime le consortium sur la nécessité d’abaisser la dépendance des exploitations, de développer de nouveaux modèles agronomiques, de s’allier localement autour de synergies et de mieux répartir la valeur. Le bilan des 316 méthaniseurs en activité sur le Grand Est a été passé au crible. L’enjeu du projet est d’aller encore plus loin. Le préalable réside dans un dialogue avec la société civile, « notamment par la mise en place localement, d’un centre de formation sur l’agriculture bas carbone, la méthanisation et la bioéconomie ». Il s’agit ensuite de « tester et valider le principe de bioraffinerie territoriale décarbonée, dans une nouvelle chaîne de valeur valorisant localement les produits, sous-produits et énergies produites, en lien avec les entreprises et les consommateurs finaux ». Un des principaux produits de la bioraffinerie, le BioGnv serait utilisé par les engins agricoles et les véhicules de collecte des déchets. Le méthane liquide, l’hydrogène, le CO2 liquide alimentaire constituent d’autres débouchés.
Le sujet est complexe et suscite le débat…Yann Dacquay assure que « la brique centrale est économique ». Il s’inscrit dans la durée, si la collecte des produits fermentescibles du Grand Reims est prévue pour 2024, le dossier s’échelonnera sur cinq ans. Le triptyque méthanisation-bioraffinerie-usages en ferme devrait reposer sur un « maillage de sociétés ouvertes, participant au capital ». L’agriculteur pourra produire son énergie et contractualiser, défend Maximin Charpentier.