Les marchés de l’agriculture biologique subissent un plafonnement brutal, révélateur de ses faiblesses. Le rebond reste possible, compte tenu de la perception des produits par les consommateurs. A condition toutefois d’actionner les bons leviers. Analyse, avec un consultant spécialisé, Burkhard Schaer.
Confrontés à une brutale inversion de tendance, amorcée en 2021 et généralisée en 2022, les agriculteurs bio vivent une rupture dans la croissance du marché, ininterrompue depuis le début des années 2000. Bio en Grand Est, que préside l’éleveur laitier ardennais, Laurent Cousin, organisait ses journées de réflexion d’hiver autour de cette situation nouvelle et de la répartition de la valeur qui en découle, le 31 janvier, à la Croisée Découverte, à Reillon. Avec un conférencier unique, Burkhard Schaer, fondateur et co-directeur d’Ecozept, une agence de recherche et de conseil indépendante franco-allemande, qui livre, avec un accent venu d’Outre-Rhin non dissimulé, le fruit de ses observations et ses préconisations.
6,5 % de parts de marché
Sur les vingt dernières années, le bio s’est présenté comme la solution pour l’agroalimentaire durable, observe le consultant. L’accélération a été particulièrement nette entre 2015 et 2019, avec même un « bond en avant » en 2020, annonciateur « d’un monde d’après Covid » qui ne viendra finalement pas. Le bio a atteint 6,5 % de parts de marché en France, pas négligeable, même si les leaders Autriche et Danemark pointent en tête, à 12-13 %. Depuis les années 2010, le positionnement du bio est affaibli, concurrencé par l’innovation « une multitude de produits et de marques qui ont leur vie propre ». « La pandémie a masqué les faiblesses du bio », affirme, Burkhard Schaer. Toutes les autres formes de consommation « alternative » sont impactées : local, vrac, écologique, naturel, végétal…
La conjoncture de 2022, caractérisée par une triple crise (post-pandémie, guerre à l’Est, inflation) surexpose les produits bio. Le chercheur confesse un manque de recul sur les études du comportement des consommateurs. « Qui exactement parmi les consommatrices-citoyens freine sa consommation et pourquoi ? » interroge-t-il. Autre question : le bio ne constituerait-il qu’un concept valable uniquement pour les temps où tout va bien ? Enfin, l’image du bio trop cher, serait-elle la seule caractéristique durablement perçue par l’opinion publique ?
Lueur d’espoir toutefois pour dépasser la confusion ambiante, et malgré un contexte prégnant : « Un tremplin existe pour faire rebondir la consommation bio, promet Burkhard Schaer. Environ le tiers des consommatrices et consommateurs se disent attachés aux valeurs du bio et prêts à s’y engager. Parmi eux, les jeunes sont sur-représentés ».
Pas de plafond pour le bio
L’intervenant n’est pas particulièrement défaitiste sur l’avenir de la filière. « Le tempo de la croissance se situe entre les mains des acteurs, lance Burkhard Schaer, lequel répète, qu’il n’y a pas de plafond pour le bio. Il prend actuellement une respiration, un palier de croissance ». Le temps n’est pas venu de baisser la garde, au contraire, l’enjeu est de stabiliser la situation, de corriger les prévisionnels et de reprendre les négociations. C’est aussi une question d’affirmation « le bio est la solution pour l’agroalimentaire du 21e siècle ».
Au-delà de la persuasion, il s’agit encore d’optimiser l’organisation des filières collectives, en diversifiant, en innovant et en « se dotant d’outils de soupape ». La coopération entre elles suppose une interaction proactive avec l’aval, une valorisation commerciale optimisée ou encore « un travail du lien de sol à l’assiette ». A l’échelle individuelle, la dynamisation de la vente directe doit, par ailleurs, demeure run objectif.
Enfin, la communication reste perfectible : « à tous les niveaux, pour inciter à l’acte d’achat, pour recruter et fidéliser ». Un exposé qui a captivé l’assistance composée d’une trentaine de personnes, agriculteurs et conseillers, dont une majorité de jeunes.