L’enjeu alimentaire mondial à l’horizon 2050 se réfléchit à l’aune de la croissance de la population, du maintien de sa santé et du respect de la dignité humaine. En intégrant la préservation des ressources naturelles et de l’environnement. Scénarios croisés.
La population du globe approche les 7,8 milliards d’êtres humains. Les actuelles projections des Nations Unies tablent sur 9,7 milliards à l’horizon 2050 et près de 11 milliards à l’échéance 2100. Quelle réponse l’agriculture peut-elle apporter pour assurer la nourriture à cette population ? Tout en luttant contre le réchauffement climatique, en préservant la biodiversité et en garantissant la dignité des travailleurs de la terre et la santé publique. C’est en ces termes d’épreuve de philosophie qu’on disserté début mars, trois acteurs meurthe-et-mosellans qui réfléchissent sur ces problématiques.
L’espace Ada qui assure l’animation culture du Domaine de l’Asnée à Villers-lès-Nancy avait réuni pour une conférence-débat le député Dominique Potier, le professeur à l’Ensaia, Yves Le Roux, et la présidente du centre Inrae de Nancy, Meriem Fournier.
Changement des régimes alimentaires
Quelques jours après l’invasion de l’Ukraine, le parlementaire, élu du Toulois, relève l’enjeu de la souveraineté alimentaire encore plus prégnant, que ce conflit va entraîner. Il s’appuie sur trois sources complémentaires pour poser le diagnostic de l’alimentation mondiale, avant d’imaginer des voies possibles.
Le rapport Agrimonde décrit quatre scénarios possibles d’évolution des sociétés : la tendance à la « métropolisation », avec un rôle important joué par l’industrie agroalimentaire ; la grande régionalisation, avec des échanges entre métropole et espaces ruraux ; des communautés locales plus petites, où l’on reconstruit un tissu rural et des bourgs ; un changement des régimes alimentaires. « Aucun scénario ne permet de rester dans les surfaces agricoles actuellement cultivées, mais tous révèlent des besoins en hausse entre + 10 et + 27 %, en sacrifiant de la forêt, avec des effets négatifs sur le climat » synthétise Dominique Potier. Le croisement des hypothèses des chercheurs de toutes obédiences aboutit à la conclusion qu’il n’existe pas de solution unique, mais que le salut ne pourra venir que d’une combinaison de tous les scénarios.
Agriculture écologiquement intensive
L’universitaire Yves Le Roux aborde le sujet, en citant la Fao qui estime à plus de 800 millions de personnes, le nombre de malnutris à l’échelle de la planète, un chiffre en augmentation. Il fait sienne la thèse de l’agronome Marc Dufumier, vieille de vingt ans, qui considérait que nourrir la planète était possible, à condition de réduire les inégalités. Revenant sur les préconisations de changement de régime alimentaire, le professeur de zootechnie affirme qu’il « n’y a aucun intérêt à faire disparaître l’élevage, qu’il ne faut pas confondre avec la production industrielle ».
Pour lui, il s’agit d’inverser la proportion actuelle de deux-tiers de production animale et un tiers de production végétale. Yves Le Roux apporte de l’eau au moulin d’une « agriculture écologiquement intensive » respectueuse des cycles biogéochimiques. Une façon de faire qui se traduit par une couverture des sols générant de la photosynthèse ; avec l’ambition de parvenir à une autonomie protéique qui permettrait à l’Europe de stopper ses importations de soja, dont les plantations sont pour partie génératrices de déforestation.
« Notre empreinte carbone est insupportable, nous devons faire un véritable effort », insiste l’enseignant, avant de décrire les quatre voies possibles développées par l’Ademe pour parvenir à la neutralité carbone en 2050.