Alors que le secteur agricole subit de plein fouet un contexte économique chamboulé et les conséquences des aléas climatiques, Stéphane Chapuis, responsable du service AgroEcoTech à la FNCUMA, livre quelques pistes de réflexion sur les stratégies d’investissement en matériels.
« Le contexte économique est chamboulé : il y a une variabilité forte des rendements cette année, les prix des céréales se maintiennent à un niveau haut, mais la situation est complexe en élevage laitier, nous sommes entrés dans une phase de pénurie laitière, il y a aussi un manque récurrent de main d’œuvre, à la fois salariée et de candidats à l’installation ». Stéphane Chapuis, responsable du service AgroEcoTech à la FNCUMA, rappelle, pèle-mèle, quelques éléments de contexte, « qui influent sur la chaîne de mécanisation, on l’observe dans les CUMA ». Il n’omet pas de mentionner la flambée du prix des intrants qui sévit depuis plusieurs mois. « Si en 2022, les intrants ont été acheté au bon moment, il n’en sera pas de même en 2023 ».
Avec la crise sanitaire, puis le conflit en Ukraine, le secteur agricole est confronté à des problèmes de disponibilité mais aussi de hausse des prix des matériels, comme en témoigne l’indice IPAMPA Matériels (l’indice des prix d’achats des moyens de production agricole concernant les matériels). Il a progressé de +4 % entre août 2020 et août 2021 et de +7 % entre août 2021 et août 2022. En temps normal, il augmente de +1,5 à +2% par an. Et l’indicateur de l’Insee ne prend pas en compte les évolutions technologiques et les adaptations nécessaires aux nouvelles normes. La hausse réelle est encore plus forte.
Saturer le matériel
Selon l’expert en agroéquipement, deux principaux leviers peuvent être activés pour limiter l’impact de l’augmentation des prix des matériels sur l’activité agricole : la bonne gestion des investissements et l’optimisation de l’utilisation matériel.
Avant tout achat de matériel, il faut d’abord analyser ses besoins. Pour Stéphane Chapuis, un des premiers leviers de maîtrise des charges de mécanisation est la saturation du matériel. « Le matériel coûte plus cher, autant l’utiliser à son maximum. Si l’analyse des besoins révèle que l’agriculteur est en dessous de la borne basse d’utilisation, il doit se poser la question du recours à une solutions collective, à l’entraide ou à la copropriété, voire la délégation ».
Se pose aussi la question de la durée d’utilisation du matériel. « Il est parfois plus avantageux de faire réparer un matériel que d’en acheter un neuf », estime Stéphane Chapuis. Tout dépend, bien entendu du type de matériel. Il est plus facile de prolonger la vie d’un outil de transport ou du travail du sol qu’un matériel plus technologique et donc plus sensible à l’obsolescence. Et sur la question du renouvellement du matériel pour un équipement moins énergivore, dans le contexte de flambée des énergies, Stéphane Chapuis l’assure : « les tracteurs récents ne consomment pas moins ».
Vigilance sur les investissements
Pour le spécialiste, la tentation va être grande, pour les 20-25% d’agriculteurs qui vont avoir un bon revenu en 2022, d’investir dans du matériel pour maîtriser la fiscalité. Cette dernière, reste, en effet, un paramètre impactant les stratégies de mécanisation. Il met en garde : « Certes, on maîtrise la fiscalité sur un an, mais le prêt, lui, dure plusieurs années ». Il rappelle aussi d’être vigilant sur le taux d’endettement. « Certaines banques refusent les prêts aux agriculteurs, c’est un signal d’alarme ! ».
Si Stéphane Chapuis alerte sur les stratégies d’investissement à venir, sur le terrain, la tendance est plutôt à la prudence. « Le contexte fait que tout le monde raisonne ses investissements », observe le spécialiste.
Retrouvez notre dossier spécial "Barème d'entraide 2022" dans l'édition papier du 14 octobre.
