Le dispositif Réagir 54 accompagne les agriculteurs de Meurthe-et-Moselle qui rencontrent des difficultés, dans un esprit de solidarité. Encore faut-il que les personnes concernées se fassent connaître, car la démarche doit rester volontaire. D’où l’importance de l’entourage pour détecter et inciter.
L’accompagnement des exploitations agricoles en difficulté est une réalité concrète en Meurthe-et-Moselle. Il est mis en œuvre à travers le dispositif officiel « Réagir 54 » coordonné par la Chambre d’agriculture, avec le soutien technique de la MSA Lorraine et la participation active de l’ensemble des organisations professionnelles. La Région Grand Est et le Département 54 soutiennent financièrement les actions déployées. Une réunion d’information s’est déroulée au printemps dernier à Laxou.
Eviter les situations dramatiques
Laurent Rouyer, le président de la Chambre d’agriculture, a rappelé l’ambition « d’éviter des situations dramatiques sur les plans humains ou économiques, en envisageant le redressement ». Le mal-être n’est pas un phénomène récent, observe Laura Godfroy, co-animatrice Réagir 54/CDA. « Il est de plus en plus exprimé de manière collective, mais encore difficile à partager dans la sphère familiale ». Les organisations professionnelles peinent à « repérer des problématiques qui se sont complexifiées ».
Spécialiste de la prévention du mal-être à la MSA Lorraine, Laurence Adloff le définit comme « un sentiment de tristesse inhabituelle, d’angoisse, de fardeau et de solitude. Il se traduit par un état physique et mental dégradé ». Avec un risque de suicide avéré, chez les agriculteurs, considérés comme plus exposés que les autres catégories socio-professionnelles. « Les éleveurs de bovins et les producteurs de lait sont les plus touchés et quatre sur cinq sont des hommes ».
Le service AGRI’ECOUTE, initié dès 2014 par la MSA sur le plan national, a enregistré 3.853 appels en 2023. Près de la moitié débouche sur des entretiens avec des psychologues. La pression économique, les contraintes administratives et la surcharge de travail arrivent en tête des facteurs professionnels du mal-être. La santé, l’inquiétude pour un proche, la vie familiale et sentimentale dominent parmi les raisons personnelles.
Guichet unique
En 2021, les pouvoirs publics ont publié une nouvelle feuille de route « prévention du mal-être » rappelle Julien Lorent, co-animateur Réagir 54/CD. Avec trois lignes directrices « humaniser, aller vers, prévenir et accompagner ». Si la conjoncture agricole 2022 plutôt favorable a permis de « mobiliser en partie cet effet bonne année», 2023 a ensuite été marquée par le retour de tensions de trésorerie. « Quelle sera la tendance 2024 ? » questionne Julien Lorent.
En Meurthe-et-Moselle, en parallèle aux dispositifs d’urgence : appel 3114, SAMU, gendarmerie, un comité technique mal-être agricole est orchestré par la MSA. Ensuite le dispositif Réagir 54, sous forme d’association, s’est vu confier le rôle de guichet unique. Il assure à la fois l’accueil, dresse le diagnostic, anime le comité technique et assure l’accompagnement. Il mobilise pour cela de nombreuses compétences des OPA dans les domaines technique, économique, social et psychologique. Julien Lorent explique que l’accompagnement constitue un « temps long » encore appelé « cycle du deuil ». Il passe par quatre étapes successives : le choc, la remise en question, l’engagement et la remobilisation.
Démarche volontaire
La première exigence est que l’exploitant appelle le dispositif. « La démarche doit être volontaire » argumente Laura Godfroy. Le diagnostic qui s’en suit est gratuit. Le comité technique réunit, pendant quatre ou cinq ans, uniquement des techniciens, des membres fondateurs de Réagir 54, avec éventuellement les créanciers, mais sans l’agriculteur. A l’issue, un plan d’action lui est proposé, avec plusieurs niveaux d’intervention en fonction de la situation.
Un audit technico-économique, basé sur l’approche système, permet d’envisager des scénarii de sortie. La prise en charge peut être totale, jusqu’à concurrence de 1.500 €.
Un suivi sur-mesure, avec accompagnement personnalisé du plan d’actions. La prise en charge varie 50 % à 90 %, avec le concours du Conseil départemental ; Il est de 100 % pour les allocataires du RSA.
La procédure du redressement amiable, sur la base de tables rondes entre l’agriculteur et l’ensemble des partenaires créanciers concernés. La discussion porte sur les possibilités d’étalement de la dette, un éventuel changement d’orientation, de nouveaux projets ou un possible arrêt d’exploitation.
L’intervention de Réagir vise à éviter autant que faire ce peut les procédures judiciaires collectives. « Mais nombres de situations risquent de basculer car trop dégradées » prévient Laura Godfroy. D’où l’appel à la mobilisation de tous pour une détection précoce des difficultés (lire encadré contacts utiles).
Le Réseau sentinelles
Laurence Adloff précise que la MSA propose des aides spécifiques pour « passer le cap ». Elles concernent l’activité professionnelle, les droits du salarié ou de l’exploitant et les projets. La présentation s’est poursuivie sur les attitudes à observer « face à un agriculteur en situation de mal-être ». Le repérage de la « dépression » nécessite un signalement. Soit l’exploitant consent à appeler la cellule d’écoute, soit il accepte que vous effectuiez la démarche pour lui.
En cas de simple « mauvaise passe », la détection précoce est fondamentale. L’attention aux signaux faibles, l’écoute, la bienveillance sont les maîtres mots qui pourront déboucher sur le contact avec Réagir par l’agriculteur lui-même. Pour intervenir sur les situations les moins dégradées, le « Réseau sentinelles » joue un rôle fondamental. Une sentinelle repère, écoute, oriente, décrit Laurence Adloff. Sur les trois départements du périmètre de la MSA Lorraine, 137 sentinelles ont déjà été formées.
Edith Lombard, chargée de mission institutionnelle chez Groupama Grand Est, est l’une d’entre elles. « Nous savons que nous pouvons peut-être nous rendre utiles. Ma hantise serait de passer à côté… témoigne-t-elle. Cela exige un vrai travail sur soi, pour ne pas se tromper. Il s’agit de savoir discerner de manière récurrente, car les cas ne sont pas tous identiques. Je suis fière d’appartenir au Réseau, mais je ne peux pas affirmer avoir la capacité d’être présente pour prévenir au bon moment, explique Edith Lombard. On peut détecter, sans être certaine du diagnostic… ».
Les contacts utiles Réagir 54, écoute, accompagnement, soutien, suivi, pour un nouveau départ. Téléphone du lundi au vendredi : 06.12.15.20.94. Courriel : reagir@meurthe-et-moselle.chambagri.fr. AGRI’ECOUTE, le service d’écoute anonyme 24h/24 et 7 jours/7, dédié au monde agricole est joignable par téléphone : 09.69.39.29.19. ou sur le site : agriecoute.fr. MSA, accompagnement adapté. Ligne dédiée : 03.83.50.35.35. Courriel : maletre.blf@lorraine.msa.fr. |