Pour la première de son évènement « Ma Chambre d’agriculture », l’organisation consulaire a servi un cocktail à trois dimensions. Une très sérieuse conférence sur les conséquences agricoles du conflit à l’Est. Une présentation imagée de la panoplie des services déployés sur le département. Et une conviviale remise de diplômes aux fermes certifiées « Hve ». Ambiance.
L’ordre du jour avait été soigneusement maintenu « sous embargo » jusqu’à l’heure H… La Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle (Cda) a organisé, le 13 février, à Pont-à-Mousson en soirée la première édition de [son] évènement baptisé « Ma Chambre d’agriculture ».
70 fermes certifiées Hve
L’objectif était de sortir du cadre institutionnel contraint et obligé de l’organisme consulaire, devant un public plus large, résume Laurent Rouyer, le président. Invités les « clients » de l’organisme, agriculteurs, mais aussi élus de collectivités territoriales, pour lesquels la Cda offre une panoplie de prestations particulièrement étoffées ; et tous les collaborateurs salariés. Près de deux cents personnes ont ainsi suivi la présentation quasi exhaustive de l’ensemble des services.
La soirée s’est conclue par la remise de diplômes aux exploitations certifiées "Haute Valeur Environnementale" des mains de Jérémy Jenneson. Sur les 105 fermes ayant souscrit au « diagnostic » 70 ont obtenu le précieux sésame, qui leur permettra d’accéder à certaines aides. « Il faut des filières engagées derrière, pour valoriser ces productions méritantes », a suggéré le vice-président de la Cda.
Du coronavirus au coronavirusse
Cet épilogue convivial à la soirée, avait été précédé d’une partie très studieuse. Thierry Pouch, économiste, chef du service Etudes, références et prospectives pour le réseau consulaire, enseignant à la Sorbonne, avait une nouvelle fois fait le déplacement de Paris. Il joue le rôle d’expert sur les tenants et aboutissants du conflit Russie-Ukraine sur le domaine agricole. « Depuis deux ans l’agriculture est prise dans les turbulences du monde, introduit l’intervenant. La pandémie, le rebond économique qui s’en est suivi et la guerre se traduisent par des flambées de prix inédites et durables. Nous sommes passés du coronavirus au coronavirusse ». La croissance économique ralentit partout, à la surface du globe.
La tendance s’est amorcée dès la fin 2020, avec pour conséquence des marchés des grandes cultures tendus et très volatils. Le colza a franchi la barre des 1.000 €/t au début du deuxième trimestre dernier. La raréfaction de l’huile de tournesol comporte des incidences en cascade sur les autres huiles. L’Ukraine et la Russie assurent, à elles seules, le tiers des exportations internationales de blé. En début d’année 2023, les niveaux de prix des grains étaient quasiment revenus à leur stade d’avant-guerre, et ils repartent actuellement à la hausse.
Les « paradoxes » du monde agricole
Thierry Pouch résume les enjeux actuels pour le secteur agricole. Une mutation vers une révolution de la production moins émettrice de gaz à effet de serre, moins énergivore. Le Green Deal vise l’intensification écologique, le bas-intrants, la couverture permanente des sols, des infrastructures agroécologiques, une rotation des cultures et la hausse des légumineuses. Les productions animales seront impactées par l’extensification, la réduction des importations de protéines végétales. dégradant le climat, la réduction de la consommation de viande. D’autres objectifs sociétaux surgissent comme la saisonnalité des productions, le rapprochement avec le consommateur, la consommation de fruits et légumes et la réduction des gaspillages. L’analyste met ensuite en relief les « paradoxes du monde agricole ». La mutation vers un nouveau modèle semble incontournable « mais lequel : agriculture de précision, agroécologie, bio, régénératrice, bioéconomie».
Le double choc de la pandémie et de la guerre débouche sur un « retour affirmé de la souveraineté alimentaire et énergétique ». Une souveraineté dont le cadre politique et géographique reste à définir.
« Impensé géopolitique »
L’intervenant en vient aux trois « scenarii possibles » qu’il voit se profiler. Une fin de guerre par la voie diplomatique et un retour à plus de stabilité des marchés et des charges moins élevées ; un élargissement du conflit, avec des tensions très fortes sur les marchés, un renchérissement des prix de l’énergie et une agriculture source de puissance ; enfin une partition de l’Ukraine, avec un pouvoir alimentaire russe renforcé, une intégration partielle de l’Ukraine dans l’Union et ses conséquences sur la PAC 2027.
Thierry Pouch laisse son auditoire un peu désemparé lorsqu’il avoue « impossible de conclure ».