Face au réchauffement climatique, « il y a des avancées, mais les efforts consentis demeurent insuffisants ». Magali Reghezza-Zitt, géographe, membre du Haut Conseil, plaide pour des projets de territoires, qui détiennent une partie des solutions ».
Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a été créé en 2018. Rattachés au Premier ministre, les treize experts qui le composent, restent toutefois indépendants, pour évaluer la politique climatique gouvernementale et émettre des recommandations. L’impartialité des analyses du HCC -qui s’est d’ailleurs autosaisi pour présenter un rapport sur l’agriculture- est reconnue. Magali Reghezza-Zitt, géographe, maître de conférences à l’Ecole normale supérieure, siège dans cette instance depuis 2019. Les questions d’aménagement du territoire et des vulnérabilités urbaines sont ses domaines de prédilection. Invitée à témoigner lors de la cérémonie des vœux du député Dominique Potier, le 18 janvier, à Toul, elle partage sa préoccupation.
Pas d’adaptation à la perte de biodiversité
Le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évaluation du Climat) a constaté l’accentuation de la hausse de la température globale. Le réchauffement depuis l’ère préindustrielle entre 2021 et 2040 devrait dépasser le seuil de 1,5° C. Pour limiter et stabiliser le phénomène sous les 2° C d’ici 2100, le GIEC recommande une baisse drastique des émissions de CO², avec un objectif de zéro émission nette en 2050, et une forte réduction des émissions des autres gaz à effet de serre. Au-delà de ces + 2°C « l’écosystème se situe à la limite de sa capacité d’adaptation, analyse Magali Reghezza-Zitt. La société peut s’adapter au changement climatique, mais pas à la perte de biodiversité».
« Il y a des avancées, mais les efforts consentis demeurent insuffisants », regrette la chercheuse. Tant sur la réduction des gaz à effet de serre, sur l’adaptation, sur la cohérence des messages que sur l’évaluation des mesures décrétées. « Nous avons besoin d’un coup d’accélérateur », poursuit l’experte, en particulier dans le domaine des transports et de l’agriculture. L’enjeu est d’engager la décarbonation dans des secteurs potentiellement pénalisés par une perte de compétitivité, face aux exigences de la clientèle.
Double peine pour le rural
Magali Reghezza-Zitt réagit au discours, selon lequel la France ne serait à l’origine que de 1 % des émissions. « Le cumul de deux cents pays correspond à 40 % du total, la France doit faire sa part du chemin ». Tout ne relève pas de l’Etat. Les territoires ont leur rôle à jouer. La ruralité vit la double peine. Touchée au plus au point par son rapport à la distance, la nécessaire mobilité, la déprise démographique et économique, la disparition des services publics, la place de l’agriculture, elle subit de plein fouet les conséquences du réchauffement.
C’est particulièrement vrai pour les exploitations agricoles exposées à des sécheresses répétitives. « Le paradoxe est que les territoires ruraux détiennent une partie des solutions d’amélioration », plaide la conférencière. « On n’en parle pas beaucoup, mais leur contribution est essentielle. L’agriculture est embarquée dans la transition, à travers l’agroécologie et même plus largement. Son rôle est incontournable en matière de stockage du carbone dans les sols, de préservation de la ressource en eau et de biodiversité, et de production locale de qualité » argumente Magali Reghezza-Zitt. L’espace rural détient aussi des « réserves foncières capables de produire l’énergie de demain. Ils sont dotés de savoir-faire et de compétences ».