Confrontés à une baisse de la consommation bio sur des marchés historiques, les producteurs spécialisés du Grand Est veulent relancer une dynamique. Notamment, par le développement du label « bio équitable en France ».
Des agriculteurs, membres du réseau des producteurs bio du Grand Est, se sont rassemblés à la Croisée Découverte à Reillon (54) pour deux journées prospectives, les 28 février et 1er mars. Ils sont préoccupés par la baisse « historique » de consommation ressentie en 2021, principalement dans les filières lait, œufs, farine et légumes. « Un contexte compliqué que nous n’avons pas vu venir, après une décennie de croissance à deux chiffres », observe l’Ardennais Laurent Cousin, le président de Bio en Grand Est.
Manque de concertation
La crise de la Covid-19 a bouleversé les pratiques des consommateurs qui sont devenus plus réticents à s’approvisionner en vrac, pour des raisons sanitaires évidentes. « Les gens qui télétravaillent ne se rendent plus au magasin bio du centre-ville », ajoute Laurent Cousin. L’éleveur laitier qu’il est revient sur la forte augmentation des conversions dans sa filière, au cours des quatre dernières années. Les acteurs industriels se sont engouffrés dans la brèche, se livrant à une concurrence entre eux. « Nous déplorons le manque de concertation », regrette-t-il, avec des conséquences sur le prix payé au producteur qui ne fait plus vraiment la différence avec le lait conventionnel. Le lait bio en excédent est estimé à 20 % aujourd’hui.
Trois briques pour un super label
Autre phénomène susceptible de mettre le doute dans l’esprit du consommateur, la multiplication des labels en lien avec l’environnement, l’alimentation à base d’herbe ou la santé. Le label AB ne suffit plus à lui seul à marquer sa différence.
La réponse de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) se situe dans le label Bio équitable en France, initié à l’automne 2020 et « en concertation » depuis. Le concept repose sur « trois briques » : le commerce équitable qui apporte un revenu correct au producteur ; l’aspect social qui intègre la rémunération des salariés ; et la prise en compte de la biodiversité à travers onze critères.
La séquence vécue par la bio aujourd’hui rappelle « l’escalier » déjà observé entre production et consommation en 2011-2012. Les conversions ont marqué le pas avec seulement 10.000 ha en France, en 2021, alors qu’elles ont pu atteindre 20.000 ha certaines années. « A ne pas continuer à convertir aujourd’hui, nous prendrions un gros risque de ne pas tenir les objectifs de 25 % de production bio européenne en 2030 », prévient Philippe Henry, polyculteur-éleveur à Vallois (54) et vice-président de l’Agence Bio. Persuadé que la consommation va reprendre, il alerte sur la pyramide des âges des agriculteurs bio qui n’est pas différente de celle de la ferme France en général et rappelle que deux ans sont nécessaires à une conversion. Philippe Henry reste confiant, en observant que le tiers des JA qui s’installent « souhaitent faire du bio ».