Un travail de recherche universitaire, mené sur le territoire de Xertigny, montre qu’il faut mettre à distance les modèles normatifs d’habitat et vieillissement. « Décomplexer le modèle rural, dépasser le modèle unique et considérer la diversité des trajectoires résidentielles ».
Dans le cadre de la réunion annuelle des maires et présidents d’intercommunalités, à l’hôtel du Département à Nancy, le 2 avril, un colloque s’est tenu sur le thème de « l’habitat et vieillir en milieu rural ». Catherine Boursier, la vice-présidente du Conseil départemental a introduit le sujet, en ne craignant pas de paraphraser Jacques Chirac en adaptant une de ses formules « la planète vieillit, et nous regardons ailleurs ! ». La déléguée à l’autonomie refuse les généralisations : « ne pas confondre dépendance et vieillissement ».
Parcours résidentiels, habitat inclusif
Des actions de prévention sont déployées, avec le concours de la conférence des financeurs. Elles portent sur l’activité physique, l’arrêt du tabac, la consommation modérée d’alcool, la prévention des chutes… Concernant l’habitat, 80 % des personnes interrogées souhaitent demeurer à leur domicile sur leurs vieux jours. Le Conseil départemental soutient l’adaptation du logement, par le biais de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie. Il existe soixante services à domicile sur le département qui proposent les aides aux repas, aux lever et coucher, au ménage… Un service unique d’autonomie à domicile prévoit un seul référent pour établir le parcours de soins. Et il ne faut pas sous-estimer la mobilisation de 100.000 aidants familiaux, « véritables piliers de la prise en charge ».
Catherine Boursier évoque l’établissement de « parcours résidentiels, lorsqu’il n’est plus possible de rester à domicile ». Par exemple, la création de résidences accompagnées ou « d’habitat inclusif » permettant une aide à la vie partagée, préparant une transition sans brutalité vers l’EHPAD. Michèle Pilot, la vice-présidente déléguée à l’habitat, fait ensuite état du schéma départemental, mêlant des fonds étatique et des fonds départementaux. « Cela permet une impulsion pour les bailleurs sociaux dans les territoires, qui déclenchent la création de logements communaux ». La collectivité territoriale verse aussi des aides pour des adaptations de logement afin de faire face à la perte d’autonomie. Elle s’entoure de partenaires comme le CAUE ou l’ADIL et s’adjoint les meilleurs conseils de spécialistes ergothérapeutes.
Territoire tenu à distance
Deux enseignants-chercheurs de l’Université de Nancy, Frédéric Balard et Elsa Martin, ont ensuite présenté les fruits de leur étude de cas, menée sur le bourg de Xertigny, dans les Vosges. Un travail conduit dans le cadre de la plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU), et fondé sur la recherche participative, par une imprégnation-observation dans le territoire. « Un cas fouillé sur le temps long » argumente Elsa Martin. La spécificité du territoire de Xertigny, bien que dans la proximité d’Epinal, est d’être « tenu à distance », nécessitant des temps de déplacement importants. Qui sont les vieux ? On atteint les limites de l’âge chronologique. « 75 ans, pas spécialement une personne âgée. C’est le physique et la tête qui priment ». Des seniors actifs s’engagent pour leur commune ou dans les associations. Certains revendiquent de « vieillir en retrait, renoncer à certaines activités, continuer à vivre, en se maintenant à domicile ». L’attachement au village et au territoire élargi constitue une réalité. L’arbitrage entre maintien à domicile et déménagement peut induire des tensions familiales. La présence de services dans le bourg et à domicile, ainsi que la mobilité ressortent comme des priorités.
Du côté des acteurs du territoire, des enjeux immobiliers apparaissent. Il s’agit de mettre en correspondance les besoins et les manques des personnes âgées avec les disponibilités existantes, tout en préservant la santé et l’autonomie. Les familles, elles, souhaitent assurer la sécurité de leurs aînés. Des considérations pouvant apparaître « en décalage, avec les projections des âgés ». Ceux-ci souhaitent être comme tout le monde et continuer à vivre chez eux. Le changement de logement leur apparaît comme une contrainte non nécessaire et un amoindrissement de leur qualité de vie. L’étude met en garde contre « une uniformisation en trompe l’œil des trajectoires du vieillissement », de la maison familiale au logement intermédiaire, puis à l’EHPAD. « Nous ne la retrouvons pas dans le discours des personnes âgées (83 %), quitte à reconfigurer l’espace du quotidien » précise Elsa Martin.