Faire avec les ressources du milieu, c'est l'objectif de l'expérimentation PAPILLE menée par l'équipe de l’installation expérimentale Inrae de Mirecourt depuis 2016. Retour sur les premiers enseignements.
Dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles et d’augmentation de leur coût, l’autonomie des exploitations agricoles et la souveraineté alimentaire sont au cœur des débats. L’expérimentation PAPILLE vise à concevoir et expérimenter un système diversifié et autonome, faisant au mieux avec les ressources du milieu.
Un système autonome et économe
Le système en polyculture-polyélevage vise une autonomie complète dans son fonctionnement notamment d’un point de vue fourrager. La ferme expérimentale de Mirecourt est certifiée en agriculture biologique depuis 2004 et ses troupeaux de ruminants sont nourris à l’herbe uniquement. « Les bovins pâturent environ 250 jours par an et les ovins sont élevés en plein air tout au long de l’année » explique Thomas Puech, ingénieur sur l’unité ASTER de Mirecourt. De 2016 à 2021, l’exploitation compte en moyenne 129 UGB bovins lait et 13.5 UGB ovins allaitants. Des porcs sont aussi produits certaines années pour valoriser les productions non commercialisables comme les issues de tri des cultures, le colostrum et les légumes non commercialisables.
L’exploitation dispose de 240 ha de SAU : 135 ha de prairies permanentes, 105 ha labourables dont 35 ha de prairies temporaires. Ces dernières jouent un rôle clé dans le système car la majeure partie des intrants azotés (71%) repose sur la fixation d’azote symbiotique par les légumineuses. Elles permettent aussi de réguler le développement des adventices et de fertiliser le sol des terres arables grâce aux entrées de matière organique. Le choix a été fait de ne pas développer le drainage au-delà de l’existant au début des années 2000, ni irriguer les cultures ; en ce qui concerne l’autonomie azotée « elle repose exclusivement sur des complémentarités cultures-élevages et des intrants renouvelables. »
Toujours dans cette logique d’autonomie stricte aucune vente, aucun achat de fourrages ou d’engrais n’est effectué sur l’exploitation. Ce sont les animaux qui permettent de fertiliser les sols via les effluents d’élevages. « Les années 2016 et 2021 ont été marquées par des étés humides avec des déficits hydriques faibles. Ces années-là, la production primaire valorisée était supérieure à 1000 tMS alors que, de 2017 à 2020 les quatre étés secs avec déficits hydriques élevés ont généré une production inférieure à 811 tMS. »
Stocks fourragers et décapitalisation du cheptel
Depuis 2019, l’exploitation répond au cahier des charges « Lait de foin » : la conservation des fourrages se fait uniquement sous forme sèche et le foin est séché intégralement au soleil sans ventilation après la récolte. La constitution de stocks fourragers est le principal levier d’ajustement pour l’exploitation, les chercheurs soulignent cependant que ce stock a décru entre 2016 et 2021 en raison des effets combinés des faibles récoltes et des forts besoins d’affouragement au parc en été.
Second moyen d’adaptation du système aux ressources disponibles et à leur variabilité : l’adaptation des effectifs animaux, en fonction de la quantité de fourrages disponibles.
La priorité étant donnée à l’autonomie la plus stricte du système (bien que le système dépende d’achats de carburants, d’énergie et d’une partie des semences), sa production varie fortement d’une année à l’autre et « entraîne des performances biotechniques hétérogènes ». Croissance, poids carcasse des agneaux et performances de croissance et de reproductions des génisses sont impactés par les épisodes de sécheresse et l’augmentation des besoins en complémentation qui en découlent. De même, la production laitière commercialisée est saisonnalisée dans la mesure où la production de lait à l’herbe est priorisée avec des vêlages groupés en fin d’hiver (auxquels s’ajoutent une saison de vêlages des rattrapages à l’automne).
Les chercheurs de l’INRAE de Mirecourt en sont venus à la conclusion que le choix de l’autonomie fourragère dans leur expérimentation implique à la fois une grande variabilité des performances ainsi qu’une « saisonnalité forte des productions ». Un certain nombre de travaux restent encore à conduire dans les prochaines années « pour rendre compte des performances économiques à l’échelle du système et de leurs dynamiques sur le temps long, en particulier au regard de la variabilité des performances zootechniques. »