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Les impacts des digestats sur le sol

L’étude montre une variabilité importante de l'effet digestat selon les sites d’essais. Photo : Thomas Weber/CRAGE.
L’étude montre une variabilité importante de l'effet digestat selon les sites d’essais. Photo : Thomas Weber/CRAGE.

Le développement de la méthanisation suscite des inquiétudes, qui concernent notamment l’évolution des propriétés des sols. Les Chambres d'Agriculture étudient l’effet des digestats sur des propriétés biologiques des sols grâce au programme ACSE (Air Climat Sol Energie) financé par la région Grand Est et l’Ademe.

Les apports de digestat au sol provoquent parfois une mortalité de vers de terre juste après l'épandage. Cette mortalité est expliquée principalement par les fortes concentrations d'ammoniac. Plusieurs mois plus tard, après disparition de l'ammoniac, les populations de vers de terre retrouvent un niveau normal : l'apport de nourriture organique aura permis aux populations de se multiplier et de compenser les pertes initiales. Pourtant, les composés organiques des digestats sont globalement plus stables que la matière entrante puisque la part la plus digestible a été transformée en CH4 ou en CO2 dans le méthaniseur. Ce type de composés organiques pourrait être défavorable aux organismes du sol, qui ont surtout besoin de matière organique fraîche. Les matières organiques qui sortent d'un méthaniseur peuvent être assez différentes des résidus végétaux ou des amendements organiques habituels. Le fonctionnement biologique du sol repose sur la fourniture de matières organiques au sol, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Les microorganismes du sol ont besoin de nourritures organiques abondantes et diversifiées pour se développer. Alors comment réagissent les organismes moins visibles que les vers de terre et qui, pour autant, sont essentiels au recyclage des nutriments ? Est-ce que les digestats impactent le fonctionnement du sol ?

Forte variabilité de l’effet digestat

Pour avancer sur ce sujet, les Chambres d'agriculture du Grand Est ont sélectionné des couples de parcelles dans neuf départements de la région. Une des parcelles reçoit du digestat depuis plus de cinq ans et l'autre n'en reçoit pas, les autres pratiques étant similaires. Ces contraintes sont nécessaires pour pouvoir comparer le fonctionnement biologique du sol, avec et sans digestat.  Au total, dix couples de parcelles, dont sept en cultures et trois en prairies, ont été suivis pendant deux ans. Une partie des parcelles a été échantillonnée plusieurs fois pour évaluer la variabilité des mesures, qui peut être assez importante.

Un tour d'horizon du fonctionnement biologique du sol, peut être réalisé à partir de quatre types de caractéristiques : la quantité et la qualité des matières organiques du sol (nourriture des microorganismes), la quantité et l'activité des microorganismes. Le fonctionnement étant conditionné par les caractéristiques du milieu, il est nécessaire de mesurer également les paramètres physico-chimiques classiques (granulométrie, pH, calcaire...).

Pour toutes ces mesures, les comparaisons de parcelles montrent une variabilité importante de l'effet digestat selon les sites. On sait déjà que la composition des digestats est très variable, selon le procédé et la ration d'entrée. Cette diversité, couplée à la variété de l'historique des pratiques, produit une grande variété de résultats. Les résultats les plus clairs ont été obtenus dans les prairies permanentes, les pratiques étant assez stables et simples dans ce contexte. Une augmentation de la teneur en matières organiques (MO) totales a, par exemple, été observée dans les trois prairies permanentes. Cette augmentation se reflète dans la fraction de MO libre du sol (MO digestible pour les organismes du sol) et avec des écarts assez significatifs. Le rapport C/N de cette fraction est quasiment identique dans les deux modalités sauf dans un seul cas sur les sept.  Ceci semble indiquer que le digestat apporté alimente le stock de "nourriture" des organismes et ne pénalise pas l'équilibre existant : malgré le processus de méthanisation, il y aurait encore une fraction comestible pour les organismes du sol dans le digestat. Ceci est à confirmer avec d'autres parcelles et d'autres études. En culture, les écarts entre les deux modalités sont beaucoup plus variables et nécessitent encore quelques travaux pour comprendre cette variabilité entre les parcelles, mais aussi au sein des parcelles.

Enfouir le digestat après épandage

En ce qui concerne la biomasse microbienne, les résultats sont moins faciles à expliquer. Il y a autant de cas où le digestat semble favorable aux microorganismes, que de situations inverses. Cependant, il semblerait que la biomasse soit un peu moins active dans les prairies avec digestat. Encore une fois, en cultures, les situations sont très variées. Des essais doivent encore être à menés pour clarifier l'impact des digestats sur le fonctionnement du sol.

La quantité d'azote apportée par les digestats est aussi très variable. Elle dépend de la quantité d'azote de la ration d'entrée puisqu'il est "conservé" au cours du procédé. En revanche, comme évoqué plus haut, l'azote en sortie de méthaniseur contient une forte proportion d'azote ammoniacal. De ce fait, cet azote, en particulier dans la phase liquide et dans les digestats bruts est fortement sujet à volatilisation. Il est donc nécessaire pour le valoriser, de l'enfouir très rapidement après épandage, si l'on ne veut pas perdre jusqu'à 50 %  de cet azote.

Les analyses utilisées dans cette étude pour caractériser le fonctionnement biologique du sol peuvent être utilement réalisées pour faire un point sur le fonctionnement de vos parcelles. Centrées sur la fertilité organo-biologique, elles permettent d'identifier si des apports organiques sont nécessaires et de cibler la nature et les quantités à apporter pour optimiser le fonctionnement biologique. De brèves vidéos disponibles sur le site web de la CRAGE donnent des premières explications.