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Le vulpin c'est chagrin : alerte aux mauvaises herbes !

Constance Richard, responsable du service agronomie de Lorca, sensibilise le grand public aux enjeux liés au vulpin et à l’ergot, devant les caméras de France 3. Photo : J.Joris
Constance Richard, responsable du service agronomie de Lorca, sensibilise le grand public aux enjeux liés au vulpin et à l’ergot, devant les caméras de France 3. Photo : J.Joris

LORCA, Arvalis et l’ENSAIA étaient réunis, mardi 10 mai, à Argancy en Moselle pour sensibiliser aux enjeux du désherbage dans les grandes cultures et plus particulièrement à la problématique du vulpin dans le blé avec la prochaine interdiction du flufénacet.

Alors que les agriculteurs font face à une impasse technique pour la gestion du vulpin dans les cultures de blé et dans leurs rotations, aucune solution chimique existante n’égale l’efficacité du produit dont l’interdiction prendra effet dès décembre 2026, à l’échelle européenne.

Les coopératives et les chercheurs tentent de trouver des solutions sur la base de la combinaison des leviers agronomiques. « Les résultats sont bons mais insuffisants », selon Constance Richard, responsable du service agronomie de LORCA. L’agriculteur présent lors de la conférence de presse, Marc Ledure, se dit « démuni » face à toutes ces interdictions sans solution.

La gestion du système de cultures

« Pour lutter contre le vulpin, il est essentiel de combiner les leviers agronomiques dans la culture et la rotation. Un levier, pris indépendamment des autres, ne produira pas de résultats significatifs en matière de désherbage s’il n’est pas appuyé par une autre méthode de lutte : faux semis, décalage de la date de semis, désherbage mécanique », analyse Constance Richard.

Pour le labour, c’est différent. Soit il faut opter pour un labour plutôt intensif, qui va perturber les cycles de croissance du vulpin en diminuant le stock semencier apte à germer, soit pour un semis direct, où le blé exerce une concurrence immédiate. « Le labour intermédiaire est à bannir car il stimule la germination du stock semencier et favorise l’émergence du vulpin », détaille la responsable.

Pascaline Pierson, ingénieure régionale chez Arvalis, appuie ce propos et affirme la nécessité d’une gestion intégrée. « Le salissement des parcelles est croissant d’année en année, et les dégâts sont de plus en plus importants. Le vulpin s’est adapté au cycle du blé et le concurrence de plus en plus fortement. En quinze ans, il s’est même adapté au décalage des dates de semis, désormais plus tardives. Le défi est de corriger un salissement de dix ans avec des leviers agronomiques dont le temps de réponse est long, comparé aux leviers chimiques ».

L’objectif pour les prochaines années est clair : réduire la population de vulpins présente dans le stock semencier, faute de quoi la Lorraine, l’une des régions les plus importantes en production de blé, ne pourra plus assurer cette culture.

Une prise de risque mesurée

Les enjeux étant importants dans le blé, l’orge et le colza, les coopératives et instituts de recherche rappellent qu’ils répondent à l’appel de solutions. « Nous prenons les risques pour les agriculteurs en testant les combinaisons de leviers et les produits chimiques. Cela leur évite des pertes de rendement lors des expérimentations en conditions réelles », rapporte Constance Richard.

Pascaline Pierson souligne également l’importance de considérer d’autres critères d’évaluation que le seul rendement, comme l’impact sur le système de rotation ou les émissions de GES liées au désherbage chimique ou mécanique. Les agriculteurs ont tendance à se focaliser sur l’aspect économique immédiat. « Parfois, nous proposons des solutions qui paraissent aberrantes aux yeux d’un agriculteur, mais qui peuvent s’avérer tout à fait efficaces sur le long terme. Par exemple, retourner une culture d’orge de printemps fortement contaminée pour repartir sur de meilleures bases l’année suivante. Ce regard global, nous pouvons nous le permettre dans la recherche, en évaluant les impacts économiques. Ainsi, nous garantissons la viabilité sanitaire et la durabilité économique. Car oui, la lutte contre le vulpin représente une part importante des pertes de revenus chez les céréaliers », justifie l’ingénieure régionale.

L’ergot, la complication liée au vulpin

Le vulpin est également un vecteur de transport de l’ergot, un champignon qui contamine les céréales par une mycotoxine similaire au LSD. Anciennement connue sous le nom de « l’affaire du pain maudit », l’omniprésence du vulpin accentue aujourd’hui le phénomène.

« Le champignon prolifère lorsque l’humidité est présente sur la parcelle. Pour l’éviter, il faut s’assurer de la propreté des semences et, si besoin, faucher les bords de parcelles. Cette action permet de réduire jusqu’à 10 % la pression des maladies de manière générale », rappelle Émile Benizri, enseignante experte en phytopathologie à l’ENSAIA.

Le champignon, de son nom scientifique Claviceps purpurea, s’attaque uniquement aux céréales. Il se conserve sous forme de sclérotes, structures fongiques amalgamées, durant l’hiver. Lors de la floraison du vulpin au printemps, il produit des ascospores pouvant être disséminés jusqu’à 20 m par le vent : c’est ainsi que l’ergot se propage.

Lorsque les ascospores entrent en contact avec le vulpin, ils pénètrent jusqu’à l’ovaire de la plante, germent et produisent un mycélium responsable de la production de la mycotoxine. Le vulpin maintient alors le champignon actif jusqu’à la floraison du blé, moment où les ascospores prolifèrent à nouveau. L’adventice agit comme un premier réveil pour le champignon, qui devient alors très actif et contamine les épis de blé.

« Le problème est double. D’une part, il n’existe aucune lutte chimique pour le détruire : seul un labour fréquent à 10 cm peut l’éliminer. Si le sclérote est déjà présent, il faut attendre deux à trois ans avant de replanter des céréales, ou bien cultiver des oléo-protéagineux. D’autre part, l’ergot est thermorésistant : il n’est pas détruit par les hautes températures dans les processus industriels. S’il n’est pas détecté à la parcelle, il contamine l’ensemble des produits dérivés du blé. C’est un véritable danger pour la santé humaine », analyse l’enseignante.

Pour éviter tous les effets en cascade de l’ergot, la seule solution est d’éradiquer le vulpin. Ainsi, le champignon produit ses spores avant la floraison du blé, qui n’est alors pas contaminé.

Une problématique pour toutes et tous

La conférence de presse sur le terrain s’est conclue par un rappel : le vulpin n’est pas seulement un enjeu pour les agriculteurs, mais pour la population française dans son ensemble. La pérennité des exploitations lorraines est en jeu, et l’impact économique de l’effondrement de certaines filières françaises ne doit pas être sous-estimé.

De plus, le vulpin, en tant que vecteur de l’ergot, représente un risque sanitaire majeur pour les consommateurs, en raison de l’action des mycotoxines dans le corps humain. Cet enjeu doit donc être médiatisé, afin de sensibiliser l’ensemble des acteurs à la problématique et stimuler la prise d’action collective.

Lorca, Arvalis et l’Ensaia avaient donné rendez-vous à la presse dans une parcelle de blé à Argancy,
Lorca, Arvalis et l’Ensaia avaient donné rendez-vous à la presse dans une parcelle de blé à Argancy,