Depuis mi-octobre, les précipitations sont nombreuses en Lorraine. Et elles ont pu impacter les cultures, et notamment leur système racinaire. Focus sur la situation en sortie d’hiver.
De l’eau, de l’eau, encore de l’eau. Ces derniers mois ont été marqués par d’importants cumuls de pluie : plus de 400 mm en moyenne sur la région Lorraine depuis la mi-octobre, largement au-dessus de la médiane pluriannuelle de 250 mm. Des précipitations qui ont pu avoir un impact sur les cultures d’hiver. «À l’automne nous avons eu des températures records. Les colzas étaient bien développés, bien enracinés, se souvient Aurore Baillet, ingénieure de développement chez Terres Inovia. Toutefois, par endroits, et notamment en sols hydromorphes, on observe des colzas qui pourrissent, des systèmes racinaires nécrosés, complétement ou partiellement».
En effet, le colza n’aime pas l’eau et si, «il reste tout de même de beaux colzas dans la région», force est de constater que les importants cumuls de pluie ont pu entamer le potentiel de rendement de la culture dans certaines zones, voire à l’intérieur même des
parcelles, souvent hétérogènes.
Ajuster le potentiel de rendement
«Le problème, c’est que 80 % du système racinaire du colza se forment à l’automne, alors les racines nécrosées ne seront pas remplacées au printemps», ajoute Aurore Baillet. Ainsi, la culture sera plus fragile face à d’éventuels aléas climatiques ou attaques d’insectes. Alors, l’ingénieure de Terres Inovia conseille de réaliser un état des lieux des colzas dès maintenant, en n’oubliant pas d’observer les racines. «Cela permettra d’ajuster le potentiel de rendement, et d’adapter par exemple les apports d’azote. L’idée est d’optimiser les charges», détaille-t-elle.
Contrairement aux précipitations, l’épisode de gel du début d’année ne semble pas avoir impacté fortement les cultures, hormis des défoliations et des pertes de pieds ponctuelles, notamment pour les pieds les plus allongés. Autre point de vigilance concernant les colzas : les attaques d’insectes. Le risque d’attaques de grosses altises n’a pas encore été actualisé en sortie d’hiver, en revanche, au 15 novembre, le bulletin de santé du végétal (Bsv) faisait état de 82 % de parcelles en risque faible, et 6 % en infestation
très forte.
Des céréales jaunies
En céréales, les cultures semblent également avoir souffert d’excès d’eau. «On observe des enracinements plutôt superficiels, ce qui fragilise le bon fonctionnement des plantes, d’autant que le système racinaire se met en place principalement à l’automne et jusqu’au stade épi 1 cm», indique Pauline Mangin, ingénieure régionale orraine chez Arvalis. Les précipitations sont intervenues après des semis dans le sec et des préparations de sols dans des conditions peu optimales. «Des structures de semis pailleuses et grossières ont déjà pu impacter la levée», ajoute-t-elle. Ainsi, localement les céréales peuvent présenter des jaunissements, un aspect flétri. Des désherbages en conditions limitantes ont également pu entrainer des phytotoxicités. «Toutefois, cette hypothèse n’est pas la principale retenue, car il nous semble que peu de désherbages aient été effectués, au regard des importantes précipitations qui ont marqué les derniers mois», estime Pauline Mangin.
Malgré les aléas qui ont impacté les céréales, l’ingénieure tempère : «Il est trop tôt pour tirer des conclusions. Historiquement, il n’est pas rare de constater des jaunissements en sortie d’hiver en Lorraine en sols hydromorphes, le recul permet de dire qu’ils ne
sont souvent que temporaires. Il faut attendre une franche reprise de la végétation qui s’amorce doucement. Actuellement, il n’y a pas de crainte au niveau de l’alimentation des plantes, les conditions actuelles sont favorables à la minéralisation».
Cependant, dans certaines zones, où l’excès d’eau s’est maintenu pendant plusieurs jours, voire semaines, il est possible d’observer des pertes de pieds. De plus, certaines parcelles présentent des populations d’adventices importantes. Ainsi, dans ces conditions, la
question de retourner la culture peut se poser.
Vigilance pour les cultures de printemps
Du côté des cultures de printemps, la pluie pourra également avoir des impacts. «Nous incitons généralement à semer tôt les protéagineux de printemps, mais le ressuyage des sols est primordial, et pour l’instant, c’est loin d’être gagné», explique Aurore Baillet.
Ainsi, cette année, les protéagineux de printemps ne pourront vraisemblablement pas être semés précocement, ce qui augmentera le risque que ces cultures soient exposées à des stress hydriques et thermiques.
Pour ce qui est des semis de tournesol, il reste encore du temps, et les conditions météorologiques peuvent changer. Toutefois, l’ingénieure de Terres Inovia incite à être vigilant quant à la pression limaces. «Aujourd’hui, on observe des œufs dans les couverts. Si les conditions humides perdurent, il risque d’y avoir une forte pression sur le tournesol, très appétent pour les limaces».